Annibal Bugnini (1912-1982)
Celui par qui le
scandale et la ruine furent : Annibal Bugnini,
(1947-1975)
"Que voulez-vous que je fasse ?
Le père Bugnini peut se rendre dans le bureau du Saint Père et lui
faire signer tout ce qu'il veut! "(Février 1969, déclaration du
cardinal Almeto Cicognani Secrétaire d'État du Saint-Siège à Mgr
Lefebvre).
u sortir de
la Semaine Sainte qui nous replace chaque année face à l'institution
du Sacrifice Eucharistique, sans doute est-il utile de savoir qui a
porté l'exacte responsabilité de le remettre en question. En
d'autres termes, qui est celui qui a prétendu abolir la foi et la
prière de deux millénaires de christianisme, déjà et surtout sous
prétexte d'œcuménisme.
Il semble récemment, mais avec un peu de recul, que
les media se soient évertuées à prétendre, au moment des funérailles
de Jean-Paul II, que la vox populi aurait réclamé sa
canonisation immédiate en clamant : santo subito. Ceci
démontre bien, en tout cas, qu'en matière de plébiscite spontané, on
ne retient que ce que l'on veut. On constate, en effet, que, face à
une manifestation similaire, on s'est empressé d'ignorer la clameur
de milliers de femmes romaines sous les fenêtres de Paul VI.
Celles-ci suivaient les porteurs de cent mille signatures
pour un appel au Pape demandant la suppression du nouveau rite de la
Messe. C'était le résultat d'une campagne lancée par le comité
italien pour la défense de la civilisation chrétienne.
Les femmes scandèrent donc interminablement, au début
de janvier 1970, sur la Place Saint-Pierre et sous les fenêtres de
PaulVI : Santo Padre, Rede noï la Vera Missa-Saint
Père, rendez-nous la Vraie Messe !
Cette démarche faisait suite aux débordements qui
avaient précédé ou suivi l'obligation de célébrer la nouvelle messe,
à partir du 30 novembre 1969.
Que s'était-il donc passé quatre ans après la clôture
du concile œcuménique de Vatican II ? L'incurie, la fatigue ou la
pusillanimité des cardinaux de curie, hormis deux d'entre eux
(Ottaviani, préfet du Saint-Office et Bacci)
avaient permis qu'avec l'aval de Paul VI, un seul homme,
Bugnini, secrétaire à la Sacrée Congrégation pour
le culte divin, disposât du pouvoir absolu d'altérer dans sa
substance même la Messe Catholique universelle.
D'où venait ce personnage en demi teinte, qui tout en
affectant d'arpenter discrètement les corridors du Vatican, avait su
s'imposer là où il le jugeait nécessaire.
Il était né à Pavana, en Toscane, au nord de Pistoïa,
dans l'Italie du Nord. À la réflexion, on peut imaginer que ce fut
par une sorte de revanche diabolique. En effet, le synode diocésain
illégitime de Pistoïa, en 1786, cité dans l'encyclique Mediator
Dei de Pie XII (26 mars 1947) avait été
exemplaire de l'erreur consistant, en matière de liturgie, à
tout ramener en toute manière à l'antiquité.
Dans cette encyclique, Pie XII avait voulu pointer,
une nouvelle fois, les recherches poursuivies par le bénédictin Dom
Lambert Beaudouin, de l'abbaye de Mont-Desert, près de Louvain, qui
avait été blâmé par Rome dès 1921, sous le pontificat de Pie XI.
S'agissant de Bugnini, on a pris le parti, toutes
tendances confondues, de se borner à citer le nom seul de l'apprenti
sorcier, sans chercher plus au fond comment il parvint à s'imposer
peu à peu dans les corridors du Vatican et jusque dans les
appartements pontificaux, à part quasi égale avec les cardinaux
Secrétaires d'État. Cette situation tint à ce que, émissaire de
l'ombre, il excella à brouiller toutes les pistes le concernant.
Son parcours aventureux semble avoir débuté en 1945,
au moment où l'Église avait paru, pour certains, devoir composer
pour exercer une influence sur le pouvoir politique, né après guerre
en Italie, face à celle de la Loge.
Deux ecclésiastiques qui avaient, par avance, des
relations efficaces avec la Loge, vont y siéger comme observateurs,
en vertu d'une dispense spéciale. Ce sont un Substitut de la
Secrétairie d'État et le P. Annibal Bugnini. Ce singulier privilège
sera, pour le second, le tremplin d'une carrière fulgurante dans une
congrégation romaine de 1969 à 1975, celle du Culte Divin.
En attendant, en 1945, le P. Bugnini fut attaché à la
délégation apostolique de Londres. Il put ainsi prendre des contacts
avec la Grande Loge d'Angleterre et le secrétaire général du Grand
Conseil anglican de Cantorbéry. Ceux-ci le mirent en rapport avec
d'autres membres du Conseil Œcuménique des Églises
alors basé en Suède.
On notera qu'à la même époque, Mgr Jean-Baptiste
Montini, Substitut de la Secrétairie d'État, avait pris l'habitude
de fréquenter la communauté œcuménique de Taizé en Bourgogne, animée
par Max Thurian. Ce dernier se signala en envoyant, le 21 novembre
1948, une délégation à Rome pour protester contre la perspective du
dogme de l'Assomption, qui sera d'ailleurs proclamé le 1er novembre
1950. À l'appui de cette démarche, une longue étude du P. Bugnini
prétendit qu'il était imprudent, sinon faux, de dire que
l'Assomption de la Vierge avait, de tout temps, été un article de
Foi.
De retour à Rome, en 1948, le P. Bugnini fut nommé
secrétaire d'une commission de huit membres qui allaient travailler
dans le secret le plus absolu jusqu'en 1960. Elle fut instaurée par
Pie XII, le 28 juin 1948, en marge de la Congrégation des rites,
présidée alors par le cardinal Micara, puis par le cardinal Geatano
Cicognani.
Cette commission dite commissio piana débuta
son travail dans les catacombes, selon une formule lancée
par Bugnini. Par ailleurs, celui-ci campait à l'Institut Pontifical
du Latran où il était professeur de liturgie et dirigeait
conjointement les Éphémérides Liturgicae.
Le cardinal Augustin Bea qui régnait
à l'Institut du Latran et faisait partie, de surcroît, de la
commissio piana, confesseur de Pie XII depuis 1945, fit
enfin en sorte que le P. Bugnini eût un accès direct auprès du Pape.
Tout ce parcours insidieux connut cependant un
sérieux accroc, deux ans après l'avènement de Jean XXIII, le 20
octobre 1958. Le P. Bugnini fut révoqué de sa chaire d'enseignement
au Latran et écarté du secrétariat de la commissio piana
qui semblait s'éteindre par suite du décès de son second président,
le cardinal G. Cicognani, le 5 février 1962.
Celui-ci avait refusé jusqu'à la fin le schéma de réformes proposées
par Bugnini.
Le jeudi 11 octobre 1962, Jean XXIII présida la
séance d'ouverture du Concile. Très vite les dix présidents des
commissions préconciliaires furent amenés à différer la discussion
des quatre premières constitutions dogmatiques, car il fut annoncé
le 16, que le premier schéma soumis à discussion serait la
constitution sur la liturgie. Le 20 octobre vit le début de vingt
interventions. La seconde fut celle du cardinal Montini, archevêque
de Milan, qui, tout en recommandant que des commissions fussent
créées après le concile afin de rendre l'héritage liturgique du
passé plus évident, plus compréhensible et plus utile pour les
hommes de notre temps..., conclut en donnant son appui sans
réserve au principe selon lequel les cérémonies devraient être
une fois encore réduites à une forme plus simple. On ne pouvait
être plus proche de Bugnini dans l'expression.
En attendant, l'éclipse apparente de ce dernier
n'allait durer que quelques mois. La disparition de Jean XXIII, le 3
juin 1963, allait le ramener sur le devant de la scène. L'avènement
de Paul VI, le 21 juin, fut presque aussitôt suivi de la refonte
générale de la Curie par un Pape qui en connaissait les moindres
rouages.
Le signe visible de la situation prépondérante qui
allait être réservée au père Bugnini fut d'être pris comme
théologien personnel du Pape pour la poursuite du Concile. Ouvrant
la seconde session, le 1er octobre 1963, Paul VI annonçait, entre
autres nouvelles, que la commission spéciale pour la réforme de la
liturgie serait présidée par le bien aimé et fidèle serviteur de
l'Église, le P. Annibal Bugnini. À cet instant même, le Souverain
Pontife crut bon de tourner la tête dans la direction de
l'intéressé, en esquissant un geste amical.
Le schéma de la constitution sur la liturgie fut
présenté par Mgr Zauner, évêque de Lintz, en écho à
la conférence tenue en août à Fulda.
Le vote définitif de la constitution sur la liturgie,
dont Mgr Zauner exprima qu'il n'avait jamais osé espérer que
l'on pourrait aller si loin, eut lieu le 4 décembre 1963, jour
de clôture de la deuxième session du Concile. Le dépouillement des
votes fait sur ordinateur(!) donna 2147 voix pour, 4 contre. Puis
Paul VI se leva et promulgua solennellement la constitution.
On peut se demander si ces chiffres étaient vraiment
significatifs ou savamment manipulés. En toute hypothèse, on peut
imaginer que les quatre votes négatifs furent ceux du directoire du
Cœtus Internationalis Patrum, NSS Lefebvre, de
Castro Mayer, de Proença Sigaud et Carli. De toutes
manières, ceux-ci avaient vraiment mérité le nom de "pères" ? du
latin "peritus", qui sait par expérience - du concile de
Vatican II.
Le 5 mai 1964, l'Osservatore Romano annonça
la création d'un Conseil pour l'application de la constitution
sur la liturgie sacrée comprenant 42 personnes, représentant 26
pays. Il était présidé par le cardinal Lercaro, le
secrétaire était Annibal Bugnini.
Il lui restait cinq ans pour édifier une messe
réformée dite "normative" et abolissant la liturgie romaine. Sur 255
lignes de texte pour le Missel Romain, il n'en subsista que 56
inchangées ! Le paragraphe 7 de l'ordo missæ de Paul VI, établit la
terrible hérésie suivante: La Messe est la synaxe sacrée ou
congrégation du peuple rassemblé dans l'unité, sous la présidence du
prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. Chaque mot était
destructeur...
Le 24 novembre 1967, une messe normative fut
célébrée à la Sixtine. Au bout de quelques instants, le
cardinal Slipyj, patriarche d'Ukraine, la quitta
suivi par plusieurs évêques… En janvier 1968, 1.500 prêtres
quittèrent l'Église; ils seront 14.000 et plus par la suite. Entre
temps, le nouvel ordo missæ avait pris effet le 30 novembre
1969 mais la débâcle de tous les rites les plus sacrés avait
commencé dans toute la Chrétienté, tout spécialement en Europe où la
France donna le ton.
À compter de cette date ouvrant officiellement "la
boite de Pandore" des effets visibles du Concile, les ravages vont
s'étendre à toute la catholicité. Les pays dépendant de
"l'Alliance du Nord", au Concile, vont innover sans la
moindre retenue et sans relâche au gré ou non des évêques. Nous
pourrions aligner des pages et des pages pour décrire les méandres
du processus. Le mal était fait.
Tous les catholiques ont découvert avec effarement,
jour après jour, les audaces provocatrices d'un clergé déboussolé et
inculte. Une minorité, infime au départ, rejoignit les deux évêques
qui avaient décidé de résister. La grande majorité déserta peu à peu
les paroisses dont les églises, faute de desservants, allaient
fermer les unes après les autres. Non seulement la Messe mais aussi
les autres sacrements cessèrent d'être administrés. Les églises, au
centre des cités, avaient perdu leur sens. Elles étaient jadis le
temple de "la Présence Réelle". À partir du moment où le
tabernacle fut relégué dans un coin obscur et que l'autel, avec ou
sans crucifix, fut tourné vers "le Peuple de Dieu", le
sanctuaire devint un temple protestant..
Confusément ou non, les fidèles résistèrent à la
situation ainsi créée. Les prêtres avaient finalement perdu leur
raison d'être. En même temps, l'abandon de leur costume consacrait
leur absence visible dans la Société. Des milliers d'entre eux
désertèrent ou moururent de douleur ; des congrégations
religieuses se fermèrent et les séminaires se vidèrent
inexorablement.
À quoi bon décrire ce dont nous avons tous souffert,
à un moment ou à un autre. Une chose est certaine, nous ne pouvons
"être en pleine communion" avec le morne troupeau des ralliés
quand l'abomination de la désolation règne dans le
sanctuaire. Au bout d'un an de pontificat, Benoît XVI réalise
que c'est désormais "l'église du Concile" bien ou mal interprété,
qui est désormais au bord du gouffre.
Auparavant, Bugnini, comme une bête féroce libérée de
sa cage, avait pu sévir en toute impunité, pendant six ans encore,
de 1969 à 1975.
Avant de parvenir au bord de la roche tarpéienne, il
présentera, en avril 1970, à la face du monde, ses complices pour la
fabrication de la messe normative : le Dr Georges, le
chanoine Jasper, les Drs Sephard, Smith, Konneth et le frère Max
Thurian, représentant le conseil œcuménique des églises,
les communautés anglicanes et luthériennes et la communauté de
Taizé, au côté de Paul VI. Pour lui, la consécration épiscopale et
l'élévation à un archevêché, cette fois bien nommé, "in partibus
infidelium" (celui de Diocleziana) viendront en 1972.
Son dernier combat ayant été mené à propos de la
multiplication des canons de la Messe, frappant ainsi au cœur le
sacrifice eucharistique, Bugnini va vivre, en 1975, une aventure
surréaliste. Il oublia dans une salle de réunion du Vatican son
porte-documents contenant des preuves établissant de façon
aveuglante son appartenance à La Loge et la chronologie
satanique de ses entreprises. À partir de cette découverte, la taupe
qui allait partout, minant le sol du Vatican, sera aussitôt
pourchassée quelques heures plus tard et en moins d'une heure, le
Pape, contraint et forcé, face à la nouvelle répandue comme une
traînée de poudre, le destitua brutalement à la Curie, en tête d'une
trentaine de ses affidés.
Tel Judas Iscariote au soir du Jeudi-Saint, une
solitude diabolique allait s'établir pour lui. Nommé pour la forme
"Pro-nonce" à Téhéran, son existence s'achèvera, au prix d'un juste
châtiment, dans un immeuble où il fut étroitement confiné. Confronté
au turban des ayatollahs, put-il même célébrer dans la plus affreuse
des solitudes sa messe normative ? Sa trace se perd alors,
silhouette dérisoire et infime, perdue au cœur de cet islam dont il
fut, à sa façon, l'un des artisans du réveil...
En définitive, on peut se demander, par quelle
dérision satanique, cet autre Judas que figura Bugnini offrait
l'apparence inoffensive d'une caricature monacale pour couverture de
boîte à camembert. Tel quel, ce redoutable moderniste répondait
pourtant parfaitement à la définition donnée par saint Pie X dans
l'encyclique Pascendi Dominici gregis(1),
du 8 septembre 1907 :
"2 - Nous parlons de prêtres
qui… absolument courts de théologie et de philosophie sérieuse se
posent… comme rénovateurs de l'Église...
3 - Ce n'est pas du dehors, c'est
du dedans qu'ils trament sa ruine… Leurs coups sont d'autant plus
sûrs qu'ils savent où la frapper...
37 - Ceci est chez eux une
volonté et une tactique… parce qu'ils tiennent qu'il faut stimuler
l'autorité et non la détruire, parce qu'il importe de rester au sein
de l'Église pour y travailler et y modifier peu à peu la conscience
commune."
Armoricus.
Pâques 2006 : Extrait du
Sainte-Anne de mai 2006 (Prieuré de Lanvallay).
(1) Les numéros de citations
indiquées sont ceux des paragraphes du texte latin.
Suite de l'article : " La postérité d'Annibal
Bugnini"
Complément d'informations sur ce "renversement" de
la Sainte messe
Article de l'abbé Bonneterre dans SiSiNoNo (La guerre
des missels a déjà eu lieu - Ch.
IV) Tout "La guerre des missels a déjà eu lieu" en format
pdf sur DICI Lettre ouverte aux Catholiques : "Pourquoi je mets un
terme à mes services auprès de l’I.C.E.L."
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